L'IA expliquée à ma fille de 9 ans
- Rupert Schiessl
- Nov 4, 2023
- 7 min read
Updated: Nov 6, 2023

La lecture de l’excellent article de Jean-Pierre Chamarande, qui explique Kubernetes (une technologie permettant de paralléliser des processeurs informatiques) à sa fille, m'a donné envie de tenter le même exercice avec l’intelligence artficielle.
Je me suis alors posé à côté de ma fille de 9 ans, roulement d’yeux de pré-ado à la clé, pour lui parler d’IA, algorithmes et machines connectées.
Voici notre conversation :
- Dis, tu sais ce que c’est, l’intelligence artificielle ?
- Oui, c’est le truc que tu fais avec tes collègues, les algorithmes. (NDLR : faut croire qu’elle connaissait déjà un peu le sujet…)
- Exactement ! T’es forte, toi ! (NDLR : faut toujours les flatter pour qu’ils écoutent). Donne-moi 5 minutes, je vais te raconter.
On en parle beaucoup en ce moment, mais tout a commencé il y a très longtemps déjà. A un temps où les ordinateurs étaient lents et rouillés, grand comme des pièces entières et où on ne pouvait pas en faire grand chose.
- Même pas regarder une vidéo d'un chat qui fait tomber un sapin de Noël ?
- Non, même pas.
Et pourtant, à cette époque lointaine, il existait déjà une poignée de chercheurs un peu fous, qui imaginaient ce que ces machines pourraient accomplir si elles devenaient un peu plus rapides dans leurs calculs et si elles amélioraient leur mémoire. Et surtout, ils ont commencé à réfléchir à comment ces ordinateurs dévaient progresser pour devenir aussi forts que notre cerveau à nous, voir meilleurs.
Ils se sont dit qu’on pouvait appeler “intelligence artificielle” toutes les tâches qu’un ordinateur pouvait apprendre pour faire aussi bien ou mieux que l’Homme.
- C’est toi la tâche, papa.
- C’est malin, ça…
Aujourd’hui, le temps où les machines étaient nazes est passé (en tout cas, c'est l'impression que nous avons parce que nous ne connaissons pas encore tout ce qui arrivera) et les ordinateurs ont fait beaucoup de progrès. Ils sont devenus plus rapides et ont acquis une meilleure mémoire. Et si parfois leur puissance est insuffisante, ils peuvent travailler ensemble, qu’ils soient dans une même pièce ou à l’autre bout du monde, en communicant entre eux à travers l’Internet ou d’autres réseaux. Par conséquent, un calcul compliqué, qui prendrait une heure à un seul ordinateur, peut être réalisé en seulement 1 minute sur 60 ordinateurs connectés les uns aux autres.
- Et avec 1 000 ordinateurs ?
- Avec 1000 ordinateurs c’est encore plus rapide, même si, comme pour les humains, il faut aussi un peu de temps pour dire à chacun ce qu’il faut faire. Mais revenons à nos boutons.
- Très drôle… Alors, ces ordinateurs d'aujourd'hui, qu’est-ce qu’ils savent faire vraiment et est-ce qu’ils sont finalement devenus plus forts que nous ?
Nous venons de dire que les inventeurs de l’intelligence artificielle pensaient qu’il fallait des ordinateurs plus puissants pour réaliser des tâches plus rapidement. Or, ces machines n’existaient pas à leur époque. Alors ils sont vite devenus un peu frustrés et ils ont laissé tomber pendant quelques années pour passer à autre chose.
Aujourd’hui, non seulement nous avons des machines beaucoup plus puissantes, mais elles sont quasiment en permanence connectées les unes aux autres pour travailler ensemble. Elles peuvent alors faire des calculs compliqués ou exécuter des algorithmes complexes en très peu de temps.
- Des algorithmes ? Genre, comme les algorithmes qu’on faisait en petite section avec les couleurs et les formes ?
- Oui, genre.
- Mais c’est fasse (NDLR : facile), ça ! J’ai pas besoin d’une intelligence artificielle pour ça !
Effectivement, même si les machines ont beaucoup progressé, elles sont encore largement en dessous de notre cerveau à nous.
- Même que celui d’Edgar ? (NDLR : son petit frère)
- Oui, même un enfant de 5 ans dépasse facilement le meilleur ordinateur qui existe actuellement en intelligence générale.
Le jour où un ordinateur, ou un réseau d’ordinateurs connectés, sera supérieur à un homme dans un grand nombre de tâches, nous aurons développé ce qu’on appelle une “intelligence artificielle forte”.
Mais aujourd’hui, toutes les intelligences artificielles sont “faibles”. Elles sont nulles dans à peu près tout ce qu’on leur demande, sauf certaines tâches, qu’elles font très bien.
- Comme Edgar.
- Reste concentrée !
Même malgré leurs gros défauts, certaines de ces intelligences faibles sont devenues très connues. Il y avait par exemple Deep Blue, la première machine à battre le meilleur joueur d’échecs au monde dans les années 90, ou Alpha Go, celle qui a défait le champion du monde de Go, un jeu qui était vu comme impossible à gagner par une machine il y a quelques années encore.
- Tu ne m’avais pas dit que le Go était un langage de programmation ?
- Si, tu as raison, mais ça n’a rien à voir. Enfin, quoique…
Bref, il y a ces quelques cas que tout le monde connaît, mais il y aussi beaucoup d’autres choses que les machines font à notre place aujourd’hui et qui nous sont très utiles dans notre quotidien. Par exemple, les algorithmes nous aident à trouver notre chemin, à pied, en voiture ou même en métro, ils prédisent la météo avec une très grande précision, ils commencent à apprendre à piloter des voitures et mêmes des avions, ils achètent et vendent des actions en bourse, ils connaissent nos goûts pour nous aider à trouver la musique, les films ou les chaussures qu’on aime, ils sont capables de traduire des textes pour nous aider à parler et écrire dans des langues que nous ne maîtrisons pas, etc.
- Bof, ça ne sonne pas très impressionnant, tout ça.
- Toi, ça ne t’impressionne pas, parce que tu as grandi avec ces algorithmes, mais je peux te garantir que pour les gens qui ont l’âge de ton grand-père, la vie a beaucoup changé en très peu de temps.
- C’est vrai qu’il ne sait pas se servir de son téléphone…
Oui, et ça pose de vraies questions pour notre société. Les algorithmes sont souvent programmés par des gens plus jeunes, qui, forcément, pensent comme des jeunes, ce qui peut rendre leur utilisation plus compliquée pour des personnes plus agées. Ca s’applique également dans d’autres cas, car les créateurs des algorithmes ont aussi tendance à être blancs, masculins et de bonne éducation. Bref, tu vois où je veux en venir. Nous devons faire très attention à ne pas priver certains groupes de population des apports de l’intelligence artificielle.
- Et si un jour les avions volent tous seuls, ils vont faire quoi les pilotes ?
Ca, c’est une autre question importante. Il y a des gens qui pensent qu’un jour, les machines feront un grand nombre de choses à notre place, ce qui créera du temps libre pour nous et que nous pourrons toucher un salaire tout en restant chez nous ou partir en vacances. Personnellement, je ne crois pas trop à cette théorie, parce que dans l’histoire, il n’y a aucune preuve qui montre que le progrès technique aurait durablement réduit notre temps passé au travail ou augmenté le chômage. Au contraire…
Par contre, tu as raison de penser que certains métiers risquent de disparaître. Aux Etats-Unis par exemple, où tu dois payer pour tes études, les banques ne te prêtent plus d’argent si tu veux devenir radiologue (tu sais, le médecin qui regarde sur une image si ton coeur marche bien ou si tu t’es cassé une jambe), parce qu’elles considèrent que c’est un métier qui sera entièrement remplacé par des ordinateurs dans un avenir très proche.
Le problème avec la disparition de ces métiers ne sera pas tellement que les gens qui ont été remplacés par un algorithme ne trouveront plus de travail, mais quelle sera la nature du travail qu'ils trouveront. Toi, tu préférerais préparer un gâteau ou surveiller une machine qui en fait un toute seule ? Rechercher une recette, faire les courses, mélanger les ingrédients, le sortir du four ou comprendre des instructions pour savoir tourner les boutons ?
- J’aime pas les gâteaux. Mais dis-moi : tu as raconté que les ordinateurs pouvaient parler entre eux ? Ils ne pourraient pas se mettre à plusieurs, chacun avec ce qu’il sait faire pour devenir plus forts que nous ?
- Tu sais que t’es pas aussi bête que t’en as l’air ?
L’intelligence dite “forte”, celle qui est meilleur que les humains dans une majorité de domaines, n’existe pas encore. En revanche, il existe différentes théories sur la manière de créer une intelligence artificielle forte. La mise en réseau d’intelligences artificielles faibles, dont tu viens de parler, en est une, mais on parle aussi d'idées aussi sympatiques que d’émulation du cerveau humain (en gros, on ferait une copie de notre cerveau sur un disque dur), de sélection ciblées d'embryons et de bouts d'ADN (on utilise des ordinateurs pour sélectionner avant la naissance les bébés les plus intelligents ou on modifie certains gènes pour les rendre plus intelligents), d’intelligence collective (on met le savoir de beaucoup de personnes en réseau) ou de simulation de l’évolution biologique de nos cerveaux sur des machines (on modélise sur un ordinateur l’évolution de toutes les cellules depuis l’existence de la vie sur terre).
L’intelligence artificielle forte reste un phantasme pour beaucoup de gens (qu’on appelle aussi les transhumanistes), car si une machine pouvait réfléchir, décider et agir plus vite et plus intelligemment que nous, on pourrait imaginer que cela donnerait beaucoup de pouvoir à celui qui la possèderait. Certains pensent même que le jour où elle existerait, nous en perdrions très rapidement le contrôle, car elle serait capable de programmer toute seule des intelligences encore plus puissantes, avec des algorithmes ou des langages de programmation tellement complexes que nous humains, nous ne pourrions pas les comprendre. Les machines pourraient alors se rendre autonomes et développer par exemple des systèmes d’armement sophistiqués qui leur permettraient de nous dominer, voir de nous éliminer si elles nous considéreraient comme une menace.
- Ca veut dire qu’on va tous mourir ?
- Pas tout de suite…
Nous sommes encore très, très loin du développement d’une telle machine. Certains disent 20 ans, d’autres pensent que c’est plutôt 60 ans. En réalité, j’ai l’impression que chaque année, les pronostics reculent d’un an.
Quoiqu’il en soit, les capacités de calcul et de stockage devront encore beaucoup évoluer pour permettre aux machines de devenir plus fortes que nous. Le cerveau humain contient plus de 80 milliards de neurones. Les réseaux de neurones utilisés par les algorithmes les plus puissants aujourd’hui en sont très loin, et en richesse et en complexité, et même si les processeurs, qui sont les cerveaux des ordinateurs, continuaient à évoluer à la même vitesse que dans le passé, nous n’aurions rien à craindre dans un avenir proche.
- Sauf si un nouveau type de processeurs beaucoup plus rapide apparaissait !
- Tu fais allusion à notre discussion sur l’ordinateur quantique ?
Effectivement, mais ça, c’est une autre histoire.
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